Le monde des symboles, leurs descriptions et interprétations à travers les âges et les civilisations. Dictionnaire évolutif et entièrement gratuit.
En héraldique, le sinople désigne le vert dont il partage le symbolisme, mais curieusement, son étymologie est tirée de la couleur rouge de la terre de Sinopis — aujourd’hui Sinop — port turc situé sur les rives de la Mer Noire. On appelait à l’origine la couleur verte des blasons prasine ou simplement vert, et si le sinople passa brusquement du rouge au vert, il est possible que ce fut dans le but d’éviter la confusion de cette dernière teinte avec le vair des fourrures [1]. A moins que la raison en soit plus ésotérique. La question reste posée.
Le sinople est représenté en imprimerie par des lignes parallèles obliques allant de la gauche vers la droite [2].
A l’époque médiévale, le sinople est l’émail le plus rarement utilisé sur les écus. Il semble même inconnu ou presque des armoriaux d’Espagne, du Portugal, d’Italie, de la Pologne, d’Autriche, de Hongrie, de la Bohème, etc… et de la France méridionale. On le rencontre surtout en Normandie, en Bretagne, en Artois, en Flandre et en Île-de-France où il figure sur 5 à 6 % des champs et des meubles héraldiques [3].
Couleur de la résurrection et de la régénération, couleur de l’espérance : Osiris et Lazare ont le visage traditionnellement teint en vert. Le sinople est d’ailleurs la couleur de l’Ordre militaire et hospitalier de Saint-Lazare de Jérusalem [4].
Le vert se trouve au centre du spectre de l’arc-en-ciel décomposé traditionnellement [5] en 7 couleurs : violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge. Le vert apparaît comme la résultante, non seulement du bleu et du jaune, mais aussi comme la résultante de toute la gamme des bleus et indigo qui le précède et la résultante de toute la gamme des jaune-orangé-rouge qui le suit [6]. Nous nous trouvons en présence de deux séries de couleurs et, entre les deux, le vert, qui correspondent aux trois mondes des cosmogonies archaïques et antiques. La gamme des jaune-orangé-rouge (couleurs chaudes) représentent le Ciel, le Soleil, le monde ouranien ; la gamme des bleu-indigo-violet (couleurs froides et sombres) représentent les mondes souterrains, les eaux primordiales, l’intérieur de la Terre-Mère, l’utérus, le monde chthonien encore appelé Enfers. Enfin, le vert correspond quant à lui, à la Surface de la Terre avec sa verdure et sa végétation [7], c’est-à-dire à l’Entre-deux. On comprend mieux dès lors pourquoi Osiris et Lazare sont représentés avec le visage vert, eux qui sont revenus du royaume des morts à la surface terrestre.
Frédéric Portal nous donne d’autres exemples de divinités associées à la couleur verte :
« Ganésa [Ganèsh], dit-il, est le dieu de la sagesse et du mariage ; le vert est consacré à Ganésa, comme à Janus, comme au Jannès égyptien, comme à saint Jean l’évangéliste et à toutes les divinités du paganisme qui représentent l’union du bien et du vrai dans les actes de la vie… Sur un monument du Musée Borgia à Vélitri, Vischnou Krichna est peint en vert et paraît au milieu de bois et de près ; non loin est un marais où nagent des poissons et des crocodiles qu’il dompta. La régénération extérieure était figurée par les eaux, les poissons et la couleur verte. Le premier degré était encore représenté par le singe Hanouman, de couleur verte, qui transporta Vischnou-Rama sur ses épaules en traversant la mer ; enfin, dans son incarnation en tortue, Vischnou a le visage vert. La tortue est le symbole de la stabilité dans la création de l’univers et la régénération de l’homme ; dans l’Inde et au Japon le monde est représenté posant sur une tortue. Ce symbole reparaît en Grèce dans la Vénus de Phidias. Vénus avait la couleur verte pour attribut, elle était le symbole de la régénération. »[8] |
Le vert est la couleur de l’Islam, symbole de la Création, de la Régénération, et de la Sainteté. Le manteau du Prophète était de couleur verte, et d’après le Coran, les bienheureux sont représentés dans le paradis, habillés de vêtements vert [9].
Correspondances symboliques d’après Vulson de La Colombière [10]
Vertus spirituelles Vertus mondaines Planètes Eléments Complexions de l’homme Pierres précieuses Jours Mois Métaux Arbres Fleurs Oiseaux Âges de l’homme | Charité, Espérance Honneur, courtoisie, civilité, amour, joie et abondance Mercure Terre Flegmatique Emeraude Mercredi Avril et mai Vif-argent (Mercure) Laurier Semper-virens (« toujours vert ») Perroquet Adolescence |
Vulson de la Colombière ajoute : « Ceux qui portent cette couleur dans leurs armes sont obligés de secourir les paysans et laboureurs, mais particulièrement les pauvres qui sont oppressés ».
Notes et références
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[1] Jean-Marie Thiébaud, De sinople, Gé-Magazine n°112, 1993, p. 37.
[2] Marc de Vulson de la Colombière, La Science héroïque, Paris, 1644, p. 35.
[3] Michel Pastoureau, Traité d’Héraldique, Grands Manuels Picard, Paris, 1979, p. 117.
[4] Jean-Marie Thiébaud, De sinople, op. cit., p. 37.
[5] 6 couleurs auraient suffi ; l’indigo a sans doute été ajouté pour obtenir le chiffre 7. Nous avons ainsi 7 couleurs tout comme nous avons 7 jours dans une semaine et 7 merveilles du monde. Le vert est alors couleur charnière reliée au chiffre 4, lui-même symbole du signe de croix et du creuset des alchimistes.
[6] Georges Lanoë, Le roman du Lys, Paris, 1911, p. 25.
[7] Ibid.
[8] Frédéric Portal, Des couleurs symboliques, Paris, 1837, cité in G. Lanoë, Le roman du Lys, op. cit., pp. 27-28.
[9] Georges Lanoë, op. cit., p. 31.
[10] Marc de Vulson de la Colombière, op. cit. pp. 35-36.